Selon certains, notre organisme serait rempli de « toxines » et de « déchets » qu’il faudrait éliminer à tout prix.
Alors, info ou intox ?
On parle beaucoup, notamment sur le Net, de « cure de détox », abréviation de « cure de détoxification ». Il s’agirait d’éliminer les « toxines » et les « déchets » dont nos organismes fatigués par la vie moderne seraient surchargés.
Cette « détoxification » fait partie des innombrables formes de médecines non conventionnelles censées améliorer notre bien-être et nous maintenir en bonne santé.
Avant d’aller voir cela de plus près, penchons-nous sur ce qu’est réellement une toxine
Toxine
La définition d'une toxine est très précise. C’est une substance toxique pour certains organismes vivants, essentiellement l’homme en ce qui nous concerne, produite par un organisme vivant, notamment des bactéries, des champignons vénéneux, des insectes ou des serpents venimeux (dont le venin peut contenir une toxine). Et puis c’est tout…
Les principales toxines bactériennes sont celles du botulisme, du tétanos, de la diphtérie, et de clostridium difficile, bactérie responsable d’une dysenterie. On notera que la toxine botulique est de plus en plus utilisée en médecine, en particulier pour traiter le torticolis ou combler les rides.
Anatoxine et antitoxine
Si on manipule une toxine en lui enlevant son pouvoir toxique tout en lui gardant son pouvoir antigénique, on obtient une anatoxine, qui sert à produire des vaccins, comme contre le tétanos.
Une antitoxine est un anticorps produit au cours de la réaction immunitaire dans laquelle la toxine joue le rôle d’antigène.
Toxique
Toxique, à la fois adjectif et substantif, est tout simplement synonyme de poison. Une substance toxique est donc dangereuse, voire mortelle pour une ou plusieurs espèces vivantes, dont l’homme.
La toxicité (du grec toxikotêta) est la mesure du pouvoir toxique d’une substance dangereuse.
Pour les installations industrielles fabriquant des produits toxiques, leur dangerosité est appréciée selon l’échelle dite de Seveso, du nom d’une catastrophe industrielle ayant eu lieu en Italie en 1976. Depuis, il y en a eu bien d’autres, notamment AZF à Toulouse, si l’on se contente de la France.
Parmi les produits toxiques, certains le sont parce qu’ils sont caustiques, comme la soude ou les détergents.
L’emballage de tout produit toxique vendu dans le commerce doit comporter obligatoirement l’indication de sa toxicité.
Dernier point, on utilise en médecine le terme toxique pour désigner les drogues stupéfiantes employées en analgésie et en anesthésie. Ces toxiques sont gardés dans une « armoire à toxiques » fermée à clé: la clé des toxiques: la « clé des toxiques ».
Déchets et émonctoires
Dans notre organisme pénètrent en permanence un certains nombre de substances, certaines bénéfiques, voire indispensables à la vie, comme l’oxygène que nous respirons ou l’eau que nous ingérons, d’autres délétères, voire parfois mortelles, notamment les très nombreux polluants qui s’invitent dans notre organisme à notre corps défendant.
La plupart de ces substances subissent une transformation, grâce à notre métabolisme : par exemple, les aliments que nous ingérons (les ingesta) sont transformés en énergie utilisable immédiatement ou stockée. Tout ce qui n’a pas été utilisé après transformation sera soit stocké définitivement, notamment les polluants, pour notre plus grand malheur, soit éliminé par différentes voies : c’est cela que nous appelons « excreta », autrement dits les « déchets ».
Nous possédons cinq systèmes de transformation et d’élimination des substrats:
- Les poumons, qui captent l’oxygène et éliminent le gaz carbonique. Certaines substances peuvent s’éliminer dans l’air expiré, comme l’alcool, ce qui est à la base de l’alcootest.
- Le tube digestif sert à nous alimenter. La majeure partie de nos ingesta passent dans le sang, pour être transformés et utilisés ; le reste est éliminé dans les selles et les gaz. Notons à ce propos que le méthane produit par la digestion des ruminants représente une part non négligeable de la production de gaz à effet de serre.
- Le foie est le principal organe de transformation, non seulement des aliments, mais aussi des médicaments, grâce au métabolisme hépatique. C’est dans le foie que s’opère la transformation des sucres en glycogène, qui est notre principale réserve d’énergie. Contrairement à une idée reçue, le foie n’a aucun rôle d’élimination de quelque « déchet » que ce soit.
- La peau élimine de l’eau et des sels minéraux dans la sueur et le sébum.
- Enfin le rein est le principal organe d’élimination des déchets, qui se retrouvent dans l’urine. On utilise parfois le mot émonctoire pour désigner cette fonction d’élimination.L’urée est le déchet ultime de la dégradation des protéines. En cas d’insuffisance rénale, l’urée ne peut plus s’éliminer par voie urinaire, et se concentre dans le sang : c’est l’urémie, qui nécessite le recours à la dialyse (rein artificiel) avant transplantation rénale éventuelle. Les médicaments qui favorisent le fonctionnement des reins sont appelés diurétiques.
Intox ; intoxication ; intoxination
Dans le langage de tous les jours, une « intox », c’est une tentative destinée à faire passer pour vraie une information que l’on sait pertinemment être fausse ; autrement dit, c’est un « coup de bluff ».
Dans le langage médical, « intox » est l’abréviation du mot « intoxication ». On notera en passant que l’on dit « intoxication », alors que l’on ne parle pas de « détoxication », mais de « détoxification », ce qui est pour le moins curieux.
L’intoxication est provoquée par la présence de substances toxiques, quelles qu’elles soient, alors que l’intoxination est une infection due à des germes producteurs de toxines.
Quand il existe des signes infectieux liés à la diffusion d’une toxine, il s’agit alors d’une toxi-infection, qui peut aller jusqu’au choc toxi-infectieux.
Il existe de très nombreuses sortes d’intoxication, notamment à l’oxyde de carbone (intoxication aiguë souvent mortelle), au plomb (intoxication chronique appelée saturnisme) ou à certains aliments (intoxication alimentaire). Quant aux polluants ou à certains produits comme le tabac, ils nous intoxiquent à petit feu.
Cure « détox »
Cette expression est l’abréviation, largement employée, de « cure de détoxification ». Il s’agit d’une mode récente, de plus en plus répandue, située aux confins du bien-être et de la santé proprement dite. La pratique du jeûne régulier, qui fait fureur dans certains milieux, fait également partie de ce type d’approche, de même que le régime sans gluten que certains s’infligent alors qu’ils ne sont même pas intolérants à ce produit omniprésent dans notre alimentation.
On aura noté qu’il ne s’agit nullement de cure de « désintoxication », expression réservée au sevrage des gens addicts à une drogue.
Je ne souhaite nullement polémiquer sur les bienfaits supposés de ce type de cure, car vous êtes en train de lire un article publié sur un site de vocabulaire médical, lieu qui n’est pas du tout adapté à ce type de controverse.
Mais il faut bien reconnaître que le mot « détox » est au minimum un abus de langage, car rien de ce dont il est question de se débarrasser dans ce type de cure ne correspond à la définition d’une toxine.
Si l’on veut dire qu’après une bonne cuite, il faut éliminer l’alcool consommé en excès, et que certains produits ou méthodes peuvent y aider, alors pas de problème, si ce n’est que l’alcool n’est pas une toxine, même s’il est toxique. Même chose pour les excès alimentaires des fêtes de fin d’année : nul ne contestera qu’après les fêtes, il vaut mieux se mettre à la diète pendant quelques jours, ne serait-ce que pour perdre les quelques kilos engrangés pendant cette agréable période ; simple question de bon sens. Mais les kilos en trop ne sont pas non plus des toxines au sens strict du terme.
Bref, info ou intox, à vous de vous faire une opinion sur la détox…
Article publié le 21 juillet 2014